This is my story

« There is nothing to lose. »

Isaiah naquit lors d’une froide nuit d’hiver dans un petit hôpital de campagne, fils unique de Lennox et Shiloh Abberline. Le neige étendait son manteau blanc sur la ville et les villages environnants, enterrant les champs sous une épaisse couche. Des flocons, délicats et fragiles, tombaient depuis plusieurs heures déjà et accompagnaient Shiloh dans son travail. La sueur perlait sur son front tandis que son mari lui serrait la main, les sourcils froncés par l’angoisse et l’impatience, et la jeune femme hurlait alors que la sage-femme s’agitait autour d’elle. Quelques minutes plus tard, Isaiah Abberline était né, un petit bout de chou aux grands yeux bruns, une mèche noire isolée sur son crâne.
Sa venue au monde était attendue, une aventure dans laquelle ses parents se jetaient avec bonheur, ayant souhaité l’arrivé de leur fils depuis des années. Shiloh peinait à tomber enceinte, et même s’ils caressèrent l’espoir de donner à Isaiah un frère ou une sœur avec laquelle jouer, le destin en décida autrement. Il grandit dans une atmosphère conviviale et chaleureuse, le garçon visitant parfois ses grands-parents le week-end, gâté par son père, choyé par sa mère. Mais le bambin entretenait une relation particulière avec son géniteur, un homme doux au tempérament calme qui passait de longues heures à expliquer les vices et les aléas de l’existence à sa progéniture ; d’un naturel curieux et studieux, le professeur – il enseignait la chimie – légua à Isa cette curiosité intellectuelle qui ferait de lieu l’un des meilleurs agents de sa promotion, bien plus tard. L’enfant idolâtrait son père mais malheureusement, comme souvent, un pépin vint bouleverser son quotidien.
Une histoire d’un soir, une passade, une erreur. Il s’agissait du début de la fin mais cela, Isaiah l’ignorait. Du haut de ses huit ans, ignorant des travers des adultes et de leur capacité infinie à détruire tout ce qu’ils touchaient, il ne comprenait pas pourquoi son père fit ses valises, un funeste soir d’octobre, l’embrassa sur le sommet du crâne avant d’aller séjourner à l’hôtel. Sa mère demeura de marbre, noyant sa peine dans l’alcool, et il fallut attendre les dix-sept ans du garçon avant qu’il ne retrouve son paternel. Durant ce temps, Isaiah tenta tant bien que mal de soutenir sa mère, brisée par la duperie de son mari, blessée dans son âme et le cœur morcelé. En quelques mois, ils compensèrent le temps qu’il avait passé à suivre son père et leur relation devint presque fusionnelle. Il était l’homme de la maison, le pilier sur lequel s’appuyait Shiloh Abberline, il ne pouvait pas faillir à sa tâche.
Ce fut dans cet esprit que continua de grandir le dernier Abberline, il termina sa scolarité sans problème particulier, ayant retranscrit sa curiosité à l’égard du monde envers ses leçons.
À dix-sept ans, l’adolescent reçut une lettre de son père, et se présenta au café dans lequel il lui donnait rendez-vous. Déterminé dans son choix, le jeune homme écouta Lennox lui conter la raison de sa rupture avec sa mère, qu’il connaissait déjà, et lui expliqua qu’il avait mal vécu le divorce et la séparation, et qu’il s’était envolé pour la Nouvelle-Zélande. Mais, loin de rester inactif, il avait fondé une nouvelle famille, une fille, un fils, une nouvelle femme. Mais Isaiah se fichait qu’il n’ait jamais arrêté de penser à lui, qu’il ait été torturé par les remords alors que venait la nuit, qu’il souhaitait faire amende honorable. Le brun brisa à son tour ses espoirs, et quitta le café avec la certitude de ne plus répondre favorablement à aucune demande de son père. Il ne mentionna pas ses retrouvailles à sa mère, ni même sa décision de rayer définitivement Lennox de sa vie. Il voulait lui épargner la souffrance de comprendre que l’homme, à défaut de se montrer fidèle à sa femme, avait préféré tenter sa chance ailleurs, coupant les liens spéciaux qui l’unissaient à son fils.
Son diplôme en poche, Isaiah intégra l’école de police, sensible à la violence qu’il voyait dans la rue, aux infos, autour de lui depuis toujours. La violence était inhérente à la race humaine, mais il aspirait à participer au maintien de l’ordre à défaut de pouvoir faire davantage. Il réussit, et vécut avec sa mère jusqu’à ses trente-et-deux ans. Cela faisait désormais quelques mois qu’Isaiah habitait seul, devenu lieutenant de police avec le temps.