This is my story

« Love the way you lie »

3 mars 1996. Seattle. C’est ainsi qu’est censé débuter notre histoire, lors de la naissance d’Alyssa. En vérité, elle commence une trentaine d’année plus tôt, lorsque Edward Lewis, militaire en permission, décide de profiter de son temps libre pour rendre visite à de la famille sur Seattle. Jeune, fringuant et bien décidé à profiter de la vie, d’autant qu’il ne sait pas de combien de temps il dispose avant de repartir en mission, il s’octroie avec des cousins à lui une soirée en boite de nuit. L’alcool coule à flot, les cigarettes vont bon train, on s’accorde même quelques pétards pour fêter les retrouvailles. C’est si rare après tout. Edward a vingt ans, il est mince, beau garçon et particulièrement athlétique. Il attire le regard de nombreuses demoiselles qui se pressent autour de lui, désireuses de se faire remarquer, sous les regards médusés mais non moins envieux de ses homologues masculins. Lily Cameron, elle, est une seattleite tout ce qu’il y a de plus authentique, comme ses parents et ses grands parents avant elle. Elle aime sa ville et elle profite de tout ce qu’elle peut lui offrir, de jour comme de nuit. Un peu à l’écart, elle observe la scène, un sourire entendue se dessinant sur ses lèvres. Ce soir, elle a décidé de s’amuser. C’est rare, mais elle veut se lâcher. Et le beau militaire qui pavane à quelques mètres d’elle n’a aucune idée de ce qui l’attend. Dans quelques heures, elle fera des jalouses en quittant la soirée à son bras. Son déhanchée légendaire ne lui a jamais fait faux bond jusqu’ici, elle sait qu’elle peut le faire. Quelques pas de danses plus tard, elle crie silencieusement victoire en l’observant s’approcher, deux verres en main et le regard enjôleur. Elle lui adresse un sourire éclatant. Bingo…

C’est ainsi que tout a commencé. Cela aurait pu être seulement l’histoire d’une nuit, mais du moment où ils eurent quitté la boite de nuit après une folle soirée à danser ensemble et à flirter, Lily et Edward ne purent se résoudre à se séparer. Si le coup de foudre existe bel et bien, on peut dire sans se tromper qu’il les a frappé de plein fouet. Bien sûr, les choses furent loin d’être simple. Parce que militaire et relation fusionnelle sont deux mots qui s’accordent très mal ensemble. Mais ils apprirent à gérer les séparations, à accepter l’absence, à entretenir la flamme autrement. Nombreuses furent les lettres qu’ils s’envoyèrent et leurs flots ne diminua jamais malgré les années. Deux ans après leur rencontre, Edward mit genoux à terre et elle accepta sa demande sans la moindre hésitation. Quelques mois plus tard, elle tombait enceinte et en avril 1992 naissait leur premier enfant, un petit garçon qu’ils prénommèrent Noah. Après moultes discussions, Lily, qui était jusqu’alors infirmière, décida d’arrêter de travailler pour se consacrer pleinement au bambin. Bien sûr, son travail lui manquerait mais elle voulait que son fils ne manque de rien, qu’il puisse grandir et s’épanouir dans les meilleures conditions possibles, malgré l’absence parfois pesante de son papa.

L’arrivée d’Alyssa, quatre ans plus tard, vint compléter le tableau. Lily ne travaillait toujours pas et elle décida de rester maman au foyer pour élever sa fille avec le même amour et la même dévotion qu’elle avait eu pour Noah. On lui demandait souvent si elle ne s’ennuyait pas, si les journées n’étaient pas trop longues ou si ses enfants ne lui sortaient parfois pas par les yeux mais la vérité, c’est qu’elle ne regrettait son choix pour rien au monde. Elle s’épanouissait pleinement dans son rôle de maman au foyer et Edward gagnait suffisamment bien sa vie pour qu’ils puissent se le permettre. Il était rarement présent mais avec le temps, il s’efforça d’agrandir ses temps de permission pour être auprès des siens. Sur l’enfance de mademoiselle, rien de très particulier à raconter donc. C’était une gamine épanouit, pétillante de vie et très aventureuse, ce qui causa à sa mère de nombreux cheveux blancs puisqu’elle devait la suivre en permanence pour être sûre qu’elle ne se blesse pas durant ses expériences. Elle et Noah étaient, et restent encore aujourd’hui, très proches et très soudés. Pas de jalousie ou d’animosité, juste une complicité et un amour réciproques qui fait le bonheur de leurs parents. A l’école, Alyssa était très respectueuse et très à l’écoute de ses professeurs. Elle n’avait pas de facilité particulière mais travaillait sans rechigner pour obtenir de bonnes notes. Lily ne lui a jamais mis de pression particulière à ce sujet, apportant simplement son aide lorsqu’il y en avait besoin mais laissant la demoiselle se débrouiller la plupart du temps. Elle s’estime très chanceuse d’avoir pu grandir dans un tel cadre, consciente que c’est bien loin d’être le cas de tout le monde. Elle a une relation très privilégié avec ses parents, basée sur la confiance et le respect mutuel. A l’âge des premières bêtises et des premières sorties en douce, elle ne cachait rien ou presque à Lily, se contentant d’annoncer ce qu’elle avait l’intention de faire et promettant de donner des nouvelles régulières, ce qu’elle faisait toujours. Ainsi, à ses premières soirées trop éméché, elle appelait toujours sa mère au secours pour ne pas risquer de rentrer avec un ami qui avait trop bu ou de dormir sur place lorsqu’elle ne le sentait pas. Elle sait que c’est rare et elle ne remerciera jamais assez ses parents pour ce modèle éducatif qu’elle rêve de reproduire avec ses propres enfants si elle en a un jour.

Les choses ont commencées à se compliquer pour elle à l’adolescence. Jolie fille, comme sa mère, elle attirait le regard et les convoitises et petit à petit, elle vécut ses premières amourettes. Rien de bien fou. Elle trouvait que tout ça, c’était plutôt surcoté comparé à tout ce qu’on lui avait raconté et en même temps, elle rêvait de rencontrer l’Amour avec un grand A, comme celui qu’elle avait toujours décelé et envié chez ses parents. Celui qui fait battre votre coeur plus vite, qui vous enivre, qui vous fait perdre la tête. Et c’est ce qui finit par arriver, pas du tout de là où elle aurait pu s’y attendre d’ailleurs. Elle avait 16 ans, lui 20 et c’était un ami de son frère. Le feeling s’est tout de suite créé entre eux et bientôt, il délaissa Noah pour elle. Ils passaient tous leur temps libre ensemble, quand elle n’était pas en cours ou à l’association de protection animale pour laquelle elle faisait du bénévolat. Elle le voyait comme son meilleur ami, son pilier, celui sur qui elle pourrait toujours compter. Un jour, peu de temps après qu’elle se soit fait plaquer par son copain de l’époque, qui lui reprochait de faire passer Nolan avant lui d’ailleurs, il vint en pleine nuit, escaladant la fenêtre de sa chambre. Elle sut à son regard que c’était différent de d’habitude, que quelque chose d’autre l’animait. Et elle ne se trompa pas puisqu’à peine eut-elle le temps de le saluer qu’il la prit dans ses bras et qu’il l’embrassa fougueusement. Elle aurait pu le repousser bien sûr, trouver ça étrange, inapproprié mais dès lors qu’il eut posé ses lèvres sur les siennes, ce fut comme une évidence pour elle. Bien sûr que c’était lui. Le seul qui la soutenait inlassablement quelque soit ses choix. Bien sûr. Il s’en passa des choses cette nuit là, dans l’intimité de cette chambre à coucher. Puis vint le réveil, plutôt calamiteux puisque Monsieur avait prit la poudre d’escampette, laissant simplement un petit mot, seul témoin du fait qu’elle n’avait pas rêvé tout ça. Elle le détesta ce jour là et ne se priva pas de vider son sac auprès de son frère qui l’écouta sans broncher et sécha ses larmes. Mais Nolan revint, quelques heures plus tard et tout était déjà oublié, parce qu’elle était incapable de lui en vouloir bien longtemps et parce qu’elle avait vraiment envie de voir ce que ça pourrait donner, eux deux.

Et ça donna. Quelque chose de beau, quelque chose de fort mais aussi quelque chose de destructeur. Parce qu’ils s’aimaient trop, parce qu’ils s’aimaient mal et parce qu’il ne cessait de la décevoir, flirtant ouvertement avec d’autres, l’abandonnant parfois sans raison puis revenant quelques heures plus tard, la bouche en coeur. Et elle pardonnait, toujours. Même si avec le temps, tous les gens à qui elle en parlait l’intimait d’arrêter, pour son bien être mental. Le pire se produisit en un soir brumeux de septembre 2015. Ils étaient sorti, comme souvent et elle l’avait retrouvé en train de draguer une autre, comme souvent. Sauf que cette fois, elle avait vu rouge, elle n’avait pas su se contenir. L’alcool n’aidant pas bien sûr. Après une esclandre particulièrement salé devant tous leurs amis de l’époque, elle se laissa convaincre de monter avec lui en voiture et qu’il la ramène, crachant que s’il croyait obtenir quoi que ce soit de plus, il se fourrait le doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Elle ne le lâcha pas du trajet et la dispute continua, jusqu’à ce qu’il fasse un écart de route et qu’ils terminent tous les deux dans un fossé. Dans la précipitation, elle n’avait pas pensé à mettre sa ceinture de sécurité et les blessures furent nombreuses, si nombreuses qu’il fallut l’opérer à maintes reprises et qu’on la plongea dans un coma artificiel durant quelques semaines, le temps que son corps récupère de l’accident. Le réveil fut long et douloureux et la rééducation qui suivit lui demanda des montagnes d’énergie et de courage, qu’elle s’efforçait de déployer pour ne pas décevoir ses proches, pour gagner, parce que sa vie ne pouvait pas s’arrêter comme ça. Pas si vite, pas pour un truc aussi bête. Mais Nolan était parti. Bien sûr, elle demanda de ses nouvelles. Bien sûr, elle s’inquiéta de son silence. Mais on lui fit comprendre que c’était mieux comme ça, qu’il ne souhaitait plus la voir ni entendre parler d’elle. Elle ne comprit pas comment il pouvait l’abandonner de cette façon après tout ce qu’ils avaient vécus mais elle dû accepter sans broncher, parce que ses parents la pressaient de passer à autre chose, de se concentrer sur elle et sur sa guérison plutôt que de ruminer les souvenirs d’une histoire qui n’avait fait que la conduire à cet accident.

Alyssa, elle a 24 ans aujourd’hui et la sensation que sa vie recommence tout juste. Elle a mit du temps à se remettre de cet accident, beaucoup de temps. Elle reste toujours très sensible, à fleur de peau. Elle a du mal à monter dans une voiture et elle a des flashs parfois, de sa vie d’avant, d’eux, de la dispute, du fossé qui se dessine petit à petit sous elle alors qu’elle est propulsée dans tous les sens par l’automobile. Elle boîte un peu aussi parce que malgré la rééducation, elle n’a pas su retrouver toute sa mobilité. Cette année, elle a choisit de se lancer dans des études de médecine. Dur, après cinq ans sans mettre les pieds à l’école mais elle veut aider elle aussi. Secourir. Guérir comme on l’a guéri. Alors que peut-on dire après tout ça ? A sa nouvelle vie peut-être ? Qu’elle soit remplie de bonheurs simples et d’amour. Oui, c’est certainement ce qu’on peut lui souhaiter de mieux.